Tarhil : A chacun son drapeau, son adresse
« Tarhil », littéralement « déplacement », désigne ces nouvelles zones assainies pour accueillir les populations déplacées des bidonvilles qui constituaient une ceinture de pauvreté pour la capitale.
Ces populations ont été déplacées, selon le gouvernement, dans la perspective de mettre fin au « kebba, gazra », autres terrains squattés et de « redonner à la jeune capitale « le visage qu’elle mérite ». Des objectifs, incontestablement, nobles suscitant l’adhésion de tous, y compris les opposants. Même si dernièrement Ould Daddah avait critiqué la manière dont ce peuple avait été déplacée par des militaires accompagnés par un «bulldozer qui détruisait tout à son passage ». On dirait une machine infernale, un rouleau compresseur qui passait au dessus des plus pauvres, avait mentionné le président du RFD. Il est bien vrai que le problème des terrains squattés est difficile, c’était un fouillis
inextricable face auquel tous les gouvernements (avant Aziz) avaient affiché profil bas. C’est une vérité. Faire disparaître ces gazra a coûté plusieurs millions, voire de milliards d’ouguiyas au trésor public, beaucoup d’efforts et de réflexion pour ceux qui s’y mettent. Cela pèse parfois sur la conscience de quelques personnes que d’avoir démoli des constructions, parfois en dur, que des citoyens avaient érigées au prix de toute une vie. Oui, cela pèse !
Les populations déplacées ont été étiquetées et reparties sur différents secteurs (16, 17, 18…) aménagés sur cette partie de l’Aftout(ensemble géographique s’étendant de Nouakchott jusqu’aux confins de l’Iguidi), autrefois espaces de pâturages et de transhumance des tribus nomades. Curieusement, me dit-on, certains déplacés ont bénéficié de parcelles où il ya encore de petits puits (Ogla) aménagés par ces nomades pour le breuvage de leurs animaux !
En parcourant les Tarhil , on constate que, très souvent, les nouveaux habitants plantent un étendard ou un fanion sur le toit de ce qu’ils ont comme demeure, à défaut d’ériger un mât pour le faire.
Ces étendards ne signifient pas, très souvent, quelque chose par leur couleurs, mais ils servent, selon les déplacés, à repérer la parcelle où à guider des visiteurs ou de nouveaux venus. On y voit toutes les couleurs, celle du pays, bien sûr, et bien d’autres. J’ai même pu voir le drapeau des Nations Unies, ou une étoffe qui lui ressemble, flotter dans l’air du Tarhil. J’ai pu également voir l’emblème du Hezbollah libanais. J’avais pensé au snobisme de nos populations, dont le goût est assez souvent, façonné par les chaînes spatiales, mais en demandant à quoi cela servait, on me répondait que c’est dans le souci de ne pas « se perdre » que ces étendards sont déployés. Ce sentiment d’être menacé de « se perdre » est, quelque part, justifié. L’absence d’infrastructures de bases se la difficulté d’accès aux services, ainsi que la menace de se faire spolier la parcelle par l’ADU, en constituent des motivations réelles.
Ils sont, comme dans le désert, où la rigueur du climat exacerbe l’instinct de conservation chez les habitants.
Les habitants de ces zones, même s’ils voient, quelque fois le hakem passer entouré de gardes et toute sa suite d’agents administratifs, ne sont pas pour autant rassurés. Ils le disent à qui voudra l’entendre. Ce qui est sûr, c’est que les motivations politiques ne sont pas très présentes au Tarhil. Il ya des populations pauvres qui veulent vivre, travailler, se loger et se soigner en toute dignité.
Oui, il ya de l’eau, mais comment est-elle mise en place ? Distribuée par la SNDE, écoulées par des intermédiaires qui payent la citerne au prix dérisoire de 1500 ou 2000 ouguiyas, pour la revendre par bidon de 20 litres à des âniers qui la livrent à domicile. Le jerricane de 20 litre livrées à domicile coûte 30 ouguiyas au Tarhil. Autant en emporte les conditions hygiéniques, le transvasement et le stockage du liquide précieux.
Pour le ravitaillement en produits alimentaires, il existe dans certaines zones du Tarhil quelques boutiques de l’opération Tadamoun assaillies quotidiennement par les habitants qui forment de longues files d’attente devant ces échoppes. C’est une solution assez moyenne pour régler les problèmes du quotidien. Car, pour payer de la viande, du poisson ou des légumes, il sont obligés à parcourir, parfois de longues distances. Aussi les produits ne sont pas toujours de bonne qualité.
Le problème de la santé est posé avec acuité dans ces zones. Les centres médicaux sont encore en construction, ce qui oblige les habitants à recourir à ceux d’Arafat, de Toujounine ou d’autres moughatats situés à plusieurs kilomètres de là. Pour y parvenir, cela demande de changer (faire correspondance) plus d’une fois de moyen de transports. Pour aller à la polyclinique, par exemple, un habitant du secteur 17 doit d’abord passer par le poteau 6 d’Atafat, avant de trouver le moyen hypothétique pour arriver à destination.
Sans dramatiser les choses, cela n’est que peu. Pour toucher du doigt ces réalités de la vie amère du tarhil prenez de la peine et faites y un tour.
C’est dire combien ces populations, dans l’attente d’une vie meilleure sont-elles soumises à rude épreuve.
Ely Ould Maghlah
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تاريخ الإضافة: 2011-08-02 13:46:36 |
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