Entretien avec Khattar Ould Cheikh Ahmed: «Un mandat peut être écourté pour des raisons exceptionnelles mais ne peut jamais être prolongé.»
Ancien ministre chargé de l’Etat civil, ancien député, Khattar Ould Cheikh Ahmed, grand commis de l’Etat, aura également occupé plusieurs hautes fonctions (gouverneur de région, Directeur Général de société d’Etat …).
Démocrate convaincu, il n’a eu cesse de militer pour l’avènement d’une démocratie réelle en Mauritanie. Aujourd’hui, maire d’une petite commune rurale dans le Hodh Gharbi (Lehreijatt), il est adhérent à l’UPR, le parti au pouvoir.
Nouakchott Info l’a rencontré pour un entretien TGV sur la dernière sortie médiatique du président de la république, Mohamed Ould Abdel Aziz lequel a accordé une interview fleuve à l’AFP dans laquelle il a évoqué des questions d’actualités on ne peut plus brûlantes tels le dialogue avec l’opposition, les élections législatives à venir, les mouvements des jeunes, la situation en Libye, etc.
Entretien exclusif.
Nouakchott Info: Le président Aziz vient d’accorder une interview à l’AFP dans laquelle il se dit «disponible» pour un dialogue avec l’opposition dont il attend toujours la réponse et/ou la plate-forme de discussions. Qu’en dites-vous ?
Khattar Ould Cheikh Ahmed: J’ai suivi avec intérêt cette importante interview qui dénote d’une véritable connaissance de la situation du pays et de la région toute entière. Je me félicite de même des propositions que fait le président à l’endroit de l’opposition. Je considère même que la démarche est hautement responsable et opportune. Quant à la proposition proprement dite du dialogue, je comprends difficilement que quelqu’un à qui on suggère le dialogue pour l’intérêt supérieur de son pays, le conditionne par des élections présidentielles anticipées alors que le peuple avait déjà dit son mot. Je crois également entrevoir derrière cette réaction de l’opposition - parce qu’elle ne me semble pas orientée spécifiquement vers la personne du Président- une contestation du choix de cette majorité de mauritaniens qui lui ont accordé leur confiance, alors que les mauritaniens méritent de leurs leaders politiques de l’opposition le respect de leur choix. J’inviterais donc les uns et les autres à dépassionner le débat politique et à saisir l’occasion de cette main tendue du président que nous tous, au sein de la majorité, soutenons et qui nous engage.
N.I.: Qu’attendez-vous du dialogue ou autour de quoi doit-il tourner ?
Khattar.C.A: A mes yeux, le dialogue se doit d’être la troisième étape d’une marche vers la démocratie que nous étions sensés avoir entamé depuis 2005. Et l’on doit à la vérité de dire que nous avons réussi à franchir deux importantes étapes qui sont : primo la transparence dans l’urne grâce au bulletin unique qui a été réalisée lors des présidentielles de 2007 et 2009 et secundo la suppression des privilèges de l’Etat pour faire de la politique comme cela avait toujours été le cas par le passé. Or en préservant ces deux acquis, on peut alors passer vers la troisième étape, non moins importante qui celle du dialogue entre les acteurs politiques de tous bords. Un dialogue entre le Pouvoir et l’Opposition qui doit être axé sur trois points: le code électoral, l’utilisation des médias publics et le contrôle de l’argent politique. Cela d’autant plus qu’en exprimant son désir ardent de dialogue au même moment où le Président de la République le lui concède, notre classe politique se doit de considérer l’opportunité comme salutaire. Car à y voir de plus près, elle a été, certes, élue dans des conditions de transparence totale, mais elle n’a pas su être à la hauteur des attentes du peuple, sinon elle aurait évité de déballer les problèmes du pays en dehors de ses frontières. C’est donc, d’abord, pour faire son mea-culpa et se remettre en question que la classe politique doit aller vers le dialogue sans conditions préalables.
N.I.: Le président Aziz a affirmé que les élections législatives se tiendront le 1er octobre que le dialogue soit amorcé ou pas. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?
Khattar.C.A: Vous n’êtes pas sans savoir qu’un mandat peut être écourté pour des raisons exceptionnelles mais ne peut jamais être prolongé. Un débat sur cette question est inopportun.
N.I.: Dans cette interview avec l’AFP, le président Aziz a évoqué l’impact du printemps arabe chez nous en estimant que «les revendications portées par certains jeunes arabes ne peuvent pas être portées en Mauritanie», qu’il n’a «pas 36 ans de pouvoir», ni «même pas 36 mois», que ceux qui «essaient de comparer la Mauritanie à la Libye, à l'Egypte, ne peuvent pas faire mouche», alors des voix s’élèvent pour une recomposition de la classe politique. Quelle lecture en faites-vous?
Khattar.C.A: Nous avons un président de la République qui a été démocratiquement élu, dans la transparence et suite à un accord entre les différents protagonistes d’une crise institutionnelle qui a nécessité l’intervention de la communauté internationale. Là est l’essentiel. Parce qu’en préservant cet acquis, nous pouvons aller vers un dialogue politique inclusif national où tout peut et doit être discuté. De la séparation des pouvoirs au rôle de chacun, en passant par la réhabilitation de l’Etat et l’ancrage de la démocratie. Ce qui impliquera un renouvellement progressif de la classe politique auquel nous devons tous contribuer, sans brusquer l’ordre des choses.
N.I.: Le Président Aziz en a touché deux mots à propos de Kadhafi dont il considère le départ comme «une nécessité» parce qu’il «ne peut plus diriger la Libye». Ce changement de ton vous convient-il ?
Khattar.C.A: Nous avons toujours été avec le peuple libyen aussi bien par le cœur que par la raison. Mais le président de la République, Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, étant président du comité ad hoc des chefs d’Etat de l’Union africaine chargé de trouver une solution négociée au conflit libyen, nous n’avons pu nous exprimer, parce que notre pays est en position d’arbitre. Maintenant que la messe est dite, nous souhaitons que tout ce que la Mauritanie est capable de faire pour délivrer le peuple libyen soit rapidement fait.
Propos recueillis par Mohamed Ould Khattatt
تاريخ الإضافة: 09-06-2011 10:58:06 |
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