Entretien avec M. Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba, président de l’Union du Centre Démocratique (UCD): «Il y a quelques années seulement nous subissions, sur notre propre territoire, et jusque dans notre capitale politique la terreur même. Aujourd’hui, la peur a changé de camp. Il est absurde de parler dans ce cas d’aventure hasardeuse.»
Le président de l’UCD, M. Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba est un homme politique à ne plus présenter pour avoir été ministre de l’Intérieur, puis des Affaires étrangères et par deux fois, président de l’Assemblée nationale de notre pays. L’homme dont la formation politique a très tôt souscrit au changement apporté en Mauritanie le 6 août 2008 pour en accompagner l’action jusqu’à l’élection du président Mohamed Abdel Aziz à la tête du pays, est resté un acteur-clé de la vie politique nationale.
Nouakchott Info l’a rencontré pour en savoir davantage sur la situation politique de notre pays et la recomposition de la scène depuis l’amorce du dialogue politique Majorité/Opposition, mais aussi avoir le point de vue de l’UCD sur des questions de l’heure comme le «printemps arabe», la guerre contre Aqmi, l’appel à l’aide internationale lancé par la Mauritanie pour faire face à la menace de famine au Sahel, le programme Espoir 2012, etc.
Nouakchott Info: Tout d’abord nos meilleurs vœux à l’occasion de la nouvelle année 2012 qui, espérons-le, sera plus heureuse pour notre pays et pour le reste du monde en particulier, musulman et arabe, qui a connu depuis le début de l’année 2011 une série de révoltes provoquant bien des changements de pouvoirs et des bouleversements géopolitiques très importants?
Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba: Je vous remercie et vous souhaite de même. C’est vrai que l’année qui vient de s’écouler a été particulièrement mouvementée. Les pays arabes ont été frappés de plein fouet par ce qui est convenu d’appeler «le printemps arabe». Certains essaient de remonter la pente difficilement, d’ailleurs. D’autres, hélas, où les bouleversements se sont produits avec des dégâts profonds et douloureux risquent encore de souffrir quelques temps des horreurs qu’ils ne sauraient oublier de sitôt. Certains pays vivent encore sous d’insoutenables crises dont on ne peut, pour le moment, estimer les conséquences. Il y a lieu de rappeler, ici que le leitmotiv de ces révolutions est partout «la démocratie», «la démocratie». Celle-là, nous l’avions connue, en Mauritanie, un peu, c’est vrai, d’une manière étriquée, voire caricaturale, depuis la fin des années quatre-vingts. Elle a connu des dérives dictatoriales, que nous avons pu corriger chaque fois et, que nous continuions d’améliorer. Nous avons réussi là ou d’autres ont échoué pourquoi ? Grâce à la concertation et au dialogue, qui constituent à mes yeux, la voie la plus indiquée pour résoudre toutes les crises. Ainsi l’instauration des journées de concertations en 2005, des états généraux de la démocratie (en décembre 2008- janvier 2009) et enfin le dialogue entre Majorité et Opposition cette année 2011, ont permis d’épargner à notre pays et à notre peuple bien des déboires tout en apportant des améliorations à notre système politique.
Nouakchott Info: La Mauritanie a récemment lancé un appel à l’aide internationale et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) vient de révéler que plus d’un million de mauritaniens, soit le tiers de la population, risquent un déficit alimentaire aigu dans les prochains mois. Pensez-vous que le Programme «Espoir 2012» saura juguler la crise le long de cette nouvelle année qui s’annonce difficile pour le pays ?
Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba: Il faut d’abord souligner que la crise n’est pas propre à la Mauritanie. La sécheresse frappe tous les pays du Sahel africain. La corne de l’Afrique a déjà subi son lot de sécheresse. Mais, le monde entier, les puissants de ce monde, je veux dire, se démêlent dans d’autres types de crises monétaires et financières. Je crois, qu’en Mauritanie, on n’a jamais été gâté par les taux de pluviométrie élevés. Nous avons connu des sécheresses dans des périodes beaucoup plus difficiles et où nos ressources étaient encore plus rares. Nous en avons connue récemment ; où le laisser-aller, la corruption, la gabegie gangrénaient l’Administration publique. En dépit de toutes ces insuffisances, nous avons pu nous surpasser, en franchissant, sans incidences néfastes, ces périodes de vaches maigres. Aujourd’hui, où les pouvoirs publics font de la lutte contre la gabegie une philosophie, bien ancrée, ayant déjà produit des résultats spectaculaires, je ne vois aucune raison pour que les mesures entreprises par le gouvernement, dans le cadre du programme ‘’Espoir 2012’’, ne soient pas à même de circonscrire, voire de juguler la crise qui s’annonce.
Nouakchott Info: Votre parti, l’UCD, vient d’organiser, le 23 décembre dernier, une journée de sensibilisation sur les résultats du Dialogue National dont vous avez été un acteur-clé. Est-ce à dire que l’UCD compte bien s’imposer, sur l’échiquier politique en recomposition, comme un pôle crédible, utile et plus fort avec un discours politique centriste et fédérateur pour l’avenir politique du pays?
Cheikh Sid’Ahmed Baba: L’UCD s’impose déjà. Mais, le dialogue politique qui a été couronné par un succès, on ne plus évident, constitue une aubaine pour notre parti et pour tous les autres, toutes tendances confondues. Il est également, au-delà, des considérations partisanes une opportunité pour le pays, pour son devenir. Les recommandations qui ont été formulées et qui sont aujourd’hui légiférées par le Parlement, sont un acquis supplémentaire pour notre démocratie. C’est un acquis qui ne profite pas exclusivement à ceux qui ont pris part à ce dialogue, mais à toutes les formations politiques présentes et futures. Notre démocratie en est sortie renforcée grâce à cette panoplie d’instruments et de textes qui servent, désormais, de bases saines pour tout exercice d’une démocratie véritable, c’est à dire fiable, transparente et apaisée.
Nouakchott Info: Ne pensez-vous pas que ce dialogue politique national a provoqué une douloureuse saignée chez l’opposition et surtout, avez-vous la conviction qu’il permettra aux Mauritaniens de croire en ce nouveau tandem politique essentiel, «Majorité consolidée-Opposition participationniste», pour restructurer la classe politique et amener le changement auquel aspire tant notre peuple ?
Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba: Je pense qu’il faut aller au-delà des schémas faciles. Aujourd’hui, le pays, à l’issue de ce dialogue, a réalisé des avancées considérables, en matière de raffermissement de la démocratie. Cependant, le jeu politique est ouvert. Les chances sont égales. Les normes de transparence sont garanties, non pas, par l’Administration publique, qui a été par le passé rendue responsable des irrégularités électorales, mais par une CENI réellement indépendante et des instruments et autres textes impersonnels garantissant à tous la justice et l’égalité des chances. Je crois sincèrement qu’il est inutile, dans ce nouveau contexte, de spéculer sur les antagonismes personnels entre les partenaires politiques, dont je souhaite la participation active à l’enracinement de notre démocratie dont les règles de fonctionnement sont on ne peut plus claires aujourd’hui.
Nouakchott Info: N’irons-nous pas alors vers une démocratie où l’Opposition risque de se confondre avec la Majorité, certains des leaders de l’opposition participationniste et pas des moindres, faisant les éloges du président de la république bien plus et bien mieux que l’UPR et la majorité?
Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba: Il faut voir chaque chose dans son contexte. C’est-à-dire que nous venons de sortir d’un dialogue qui a été boycotté par une partie de l’opposition. Celle qui y a participé risque de se confondre, dites-vous, avec la majorité. Je ne le crois pas. Je crois tout simplement que la confusion que vous soupçonnez est très circonstanciée et dictée par une conjoncture politique particulière. Les échéances électorales futures permettront, sans doute, de recentrer le débat et de redéfinir les lignes de démarcations politiques. L’existence d’une majorité et d’une opposition est nécessaire dans toute démocratie digne de ce nom et consacre le principe de l’alternance. Mais nous avons besoin d’une opposition responsable qui rend à César ce qui appartient à César et non une opposition qui ne reconnaît aucun résultat positif à l’action parfois salutaire et bienfaisante du pouvoir en place et de sa Majorité. L’honnêteté intellectuelle est à mon avis indispensable à tout homme politique digne de ce nom.
Nouakchott Info: La COD a récemment dénoncé ce qu’elle a qualifié «d’aventure aux conséquences graves pour le pays», la guerre que livre notre pays à AQMI. Comment la voyez-vous ?
Cheikh Sid’Ahmed Baba: Il y a quelques années seulement nous subissions, sur notre propre territoire, et jusque dans notre capitale politique la terreur même. Aujourd’hui, la peur a changé de camp. Elle est, désormais, au-delà de nos frontières. Elle gagne l’ennemi dans son terrier. Il est absurde de parler dans ce cas d’aventure hasardeuse.
Je saisis cette occasion, pour me féliciter du niveau atteint par nos forces armées et de sécurité. Qui, en peu de temps, sont devenues plus équipées, mieux organisées, plus aptes, à réaliser les victoires qu’elles ne cessent, Dieu merci, d’enregistrer. C’est un motif réel de fierté pour moi, mais aussi pour tous les mauritaniens.
Propos recueillis par Mohamed Ould Khattatt
تاريخ الإضافة: 16-01-2012 12:18:53 |
القراءة رقم : 857 |